A relire : Les tribulations d’un GP en France

31 01 2012

Pas plus que lors des trois dernières saisons la France n’accueillera de GP sur son territoire en 2012. Et les récentes déclarations du magnat de la F1 Bernie Ecclestone, qui estime que l’Europe ne représente plus un terrain d’avenir pour la F1, n’augure pas du meilleur concernant les chances d’un GP tricolore

Cependant, une lueur d’espoir a semblé percer ces derniers mois eu égard à la possibilité d’une alternance entre le GP de Belgique et le GP de France. Il est vrai que cette option s’avère séduisante dans un contexte de crise économique renforcée et de coupes budgétaires drastiques dans les dépenses publiques. Ce type d’organisation est d’ailleurs déjà en place pour ce qui est de la manche germanique du calendrier, qui voit le Nürburgring et Hockenheim se partager une année sur deux l’accueil du Formula One Circus. De même, un projet d’alternance est envisagé entre Valence et le circuit de Catalunya dans le cadre du GP d’Espagne. Alors, info ou intox ? Pour répondre à cette question, il convient de juger des forces et faiblesses du dossier, mais aussi de s’intéresser à la crédibilité des projets concurrents.

Le projet « Paul Ricard 2013 »

La nouvelle a satisfait tout le landerneau du sport automobile français : mardi 24 Janvier, le gouvernement de François Fillon (originaire de la Sarthe et grand amateur de sports mécaniques), par le biais de sa cellule « GP de France », a donné son feu vert pour l’organisation d’un GP de France sur le circuit Paul Ricard. ‘Les choses avancent de façon très concrète’, s’était déjà réjoui Gilles Dufeigneux, délégué interministériel aux grands événements sportifs auprès de Matignon, le 19 Décembre dernier. ‘Tous les indicateurs sont au vert…ou en passe de l’être. Nous sommes entrés dans la phase de finalisation et on peut dire que les décideurs trancheront très prochainement, courant Février’.

Comme tout bon Sarthois, François Fillon est passionné par les sports mécaniques. Ici avec Henri Pescarolo.

Le nouveau patron du circuit du Castellet, Stéphane Clair, qui auparavant officiait à la tête de la société NPO, spécialisée dans l’organisation de courses autos et motos, mais aussi dans l’événementiel et la production TV, est à l’initiative du projet «Paul Ricard 2013». Comme explicité plus haut, celui-ci devrait résider en une alternance avec le GP de Belgique, afin de réduire les coûts d’organisation (le tracé de Spa-Francorchamps se trouve lui aussi dans une situation financière critique). De fait, le circuit varois, qui a déjà accueilli à quatorze reprises le GP de France entre 1971 et 1990, organiserait la course une saison sur deux, les années impaires. La première édition pourrait avoir lieu dès 2013 et la date du 1er Septembre a d’ores et déjà été avancée (ce qui laisse supposer que l’événement serait couplé avec la manche française des World Series by Renault 3.5, qui se déroule généralement à cette période). Le projet prévoit un premier contrat courant jusqu’en 2021. L’objectif avoué n’est pas simplement de se contenter de la tenue d’un GP en France, mais de valoriser les ressources et l’emploi local, en générant pas moins de 230 postes à temps plein grâce à la création d’un   « salon de l’automobile du futur », où le savoir-faire français en matière de développement durable et de sécurité routière serait mis en valeur toute l’année.

Le weekend du futur GP de France pourrait comprendre les World Series by Renault 3.5.

Pour ce qui est du nerf de la guerre, le budget, le défi principal est bien sûr de répondre aux exigences pécuniaires qu’implique la réception d’une course du championnat du monde de F1. En effet, on estime que le coût de l’organisation d’un tel événement se chiffrerait à l’heure actuelle à 30 millions d’euros par édition, dont 20 millions en droits d’organisation reversés à la FOM (Formula One Management). Si on reprend l’hypothèse d’un contrat allant de 2013 à 2021, avec un GP organisé tous les deux ans, cela signifie qu’il faudra trouver environ 150 millions d’euros pour espérer remplir le contrat jusqu’à son terme.

Une chimère ?

Ici réside le premier obstacle à la crédibilité d’un GP au Paul Ricard. Effectivement, la solution retenue consiste en un financement via un GIP (Groupement d’Intérêt Public). Or, selon certaines sources, le montant récolté jusqu’à présent par cette entité ne dépasserait pas 5 millions d’euros… En outre, si le sport automobile français et le gouvernement actuel s’enorgueillissent du possible retour de la F1 en France, rien n’a filtré en revanche du côté de la Belgique – ni du côté d’Ecclestone d’ailleurs – où toutes ces informations n’ont aucunement été corroborées. On peut dès lors se poser la question de la possibilité d’un effet d’annonce de la part du gouvernement en poste, visant à ménager la chèvre et le chou en vu des élections présidentielles françaises du printemps 2012.

Le GP de France, ce n’est pas pour maintenant ! La course est moins menacée par l’identité de la future majorité que par un mauvais timing.

Car c’est là l’autre point noir qui porte atteinte à la crédibilité d’une décision positive et rapide du gouvernement en faveur du Castellet, comme de tout autre circuit en France d’ailleurs : l’immobilisme général des politiques à l’orée de la prochaine échéance électorale. Comment envisager que le gouvernement de François Fillon, malgré toute sa bonne volonté, donne son aval à l’heure où la dette publique est un sujet récurrent dans les débats? Cela priverait à coup sûr la majorité au pouvoir des voix des personnes sensibles à l’écologie, et donnerait le flanc à la critique, qui ne tarderait pas à dénoncer une recrudescence des dépenses en faveur de « frivolités » sportives. A cela s’ajoute un planning peu commode, avec le pré-calendrier F1 qui doit être publié en Juin 2012, alors que les élections législatives battront leur plein (10 et 17 Juin). De quoi renforcer encore plus le statu quo.

A la hauteur ? Les sommes demandées par le SLEC Holdings pour l’organisation d’une course de F1 sont exorbitantes.

Enfin, le troisième et dernier handicap du Castellet réside dans la nécessité d’entamer des travaux de réfection pour rendre les infrastructures présentables au regard des standards de la F1. Nous quittons ici la dimension conjoncturelle remettant en cause l’organisation d’un GP dans le Var pour des raisons plus structurelles. En effet, le complexe du Paul Ricard, qui appartient à l’ex-femme de Bernie Ecclestone, Slavica, par le biais de la société qui gère les droits audiovisuels et les revenus commerciaux de la F1 : SLEC Holdings (SLavica ECclestone), détient des infrastructures obsolètes tant au niveau de la capacité de ses tribunes que des moyens d’accès au circuit. Sa situation est pire encore que celle de Magny-Cours, dont on a pointé du doigt durant des années le fait qu’il soit très mal desservi et qu’il dispose de moyens d’accueil assez rustres. Cherchez la logique…

Retour à la case départ : la solution Magny-Cours

Cela nous amène donc à étudier le cas de Magny-Cours. Ces dernières années, le tracé nivernais a fait de gros efforts pour améliorer son accessibilité, en raccordant la toute nouvelle portion de l’autoroute A77 au circuit via une bretelle directe flambant neuve. On ne peut penser que tous ces travaux n’aient été effectués pour un autre dessein que d’encourager le retour de la F1 à Magny-Cours. Car le dernier circuit français à avoir accueilli le pinacle du sport automobile regorge de nombreux atouts dont le Paul Ricard ne peut se targuer.

Nevers Magny-Cours est le dernier circuit français à avoir accueilli la F1, en 2008.

Tout d’abord, sa situation géographique, en plein centre de la France, à trois heures seulement de Paris et de Lyon, alors que le Castellet est localisé au bord de la Méditerranée et pourrait décourager la venue des spectateurs provenant du nord de l’Europe. Par ailleurs, un nouvel arrêt de la ligne de TGV Paris-Lyon est en cours d’analyse, et serait situé ni plus ni moins à quelques kilomètres à l’Ouest de Magny-Cours. De quoi faciliter grandement l’accès au circuit.

Depuis 2010, Serge Saulnier est le président de Magny-Cours.

Qui plus est, beaucoup de changements ont eu lieu ces deux dernières années dans la Nièvre. Au premier rang desquelles le remaniement de la composition de la direction du complexe de Nevers Magny-Cours, qui a vu Serge Saulnier et Gilles Alegoet nommés à la présidence de son directoire par le Conseil de Surveillance et d’Orientation du circuit et par le Conseil Général de la Nièvre, en Février 2010. Guy Ligier a quant à lui fait son entrée en tant qu’actionnaire privé dans la SEM (Société d’Economie Mixte) du circuit, à hauteur de 33%. A la même époque, lors d’un entretien accordé au magazine F1 Racing, Saulnier, qui connait bien Magny-Cours pour y avoir œuvré dès 1972 comme assistant-mécanicien de Jacques Laffite, et qui a par la suite exercé le rôle de directeur sportif/team manager du programme Endurance Peugeot 911, de Septembre 2006 à Février 2010, semblait pourtant pessimiste : ‘Je pense que l’organisation d’un GP de France à Magny-Cours n’est pas une priorité’. Il est vrai que sa nomination semblait plutôt répondre à la nécessité pour le tracé de renouer avec un équilibre financier et économique.

Voie royale ? La pitlane du circuit de Magny-Cours a été élargie pour être au diapason des nouveaux standards F1.

Cependant, le nouveau président ne jetait pas un voile pudique sur les qualités du complexe nivernais, expliquant que le circuit ne nécessitait aucun nouvel aménagement et disposait des structures adaptées pour recevoir la F1, comme en témoigne le fait qu’il soit toujours homologué (le circuit a conservé sa licence F1). Qui plus est, des travaux de rénovation consistant en l’élargissement de la pitlane ont été réalisés en 2009 afin de correspondre aux nouvelles normes FIA édictées par Charlie Whiting. Au final, Serge Saulnier déclarait que ‘si on veut retrouver un GP de France, Magny-Cours devient incontournable’, et en profitait pour tirer un trait sur l’éventualité d’un GP organisé en Ile-de-France, ‘inopportun d’un point de vue écologique, politique et financier’. De fait, Magny-Cours détiendrait l’avantage décisif de ne pas nécessiter d’investissements conséquents pour accueillir un GP. ‘Nous pouvons superviser l’événement dès 2012 si le besoin s’en fait sentir’ avait alors assuré Saulnier. Ce point représente un aspect non-négligeable, à l’heure où les collectivités locales rencontrent de grandes difficultés à boucler leurs budgets, en raison de la crise mais aussi de nouvelles charges qui leurs incombent telles que l’allocation pour les personnes âgées ou bien encore le financement du RSA (Revenu de Solidarité Active).

L’équipe de France FFSA a mis trois de ses poulains en F1 pour 2012. NB : Jean Alesi n’en fait pas partie !

Au final, le circuit se doit surtout de trouver un promoteur afin de sponsoriser le GP. A la rédaction de Radio Paddock, nous pensons que la FFSA (Fédération Française du Sport Automobile), qui était déjà le promoteur du GP dans les années 2000 avant son retrait en 2008, pourrait représenter la meilleure option. Cette opinion est renforcée par le fait que le plateau F1 comportera pas moins de trois Français en 2012 (Romain Grosjean, Jean-Eric Vergne et Charles Pic, avec Jules Bianchi ainsi que Nathanaël Berthon dans les tuyaux pour les prochaines saisons), tous membres de l’Equipe de France FFSA Circuit…ce qui pourrait constituer une magnifique publicité pour la Fédération.

Enfin, le circuit de Magny-Cours n’est pas en reste en ce qui concerne la création d’une « vallée de l’automobile ». En effet, Patrice Joly, président du Conseil Général de la Nièvre envisage la création d’un complexe dédié aux transports et à la mobilité, qui pourrait attirer entre 350 et 400 000 visiteurs par an, pour un coût de construction de 60 millions d’euros. Magny-Cours est déjà le foyer du nouveau constructeur automobile français Exagon, qui vient d’y implanter une usine pour la fabrication de sa voiture électrique très haut de gamme : la Furtive-eGT (qui sera mise en vente en Octobre 2012, juste après sa présentation au Mondial de l’Automobile). En cette période où le  « made in France » a le vent en poupe, cette décision est une véritable aubaine pour le circuit qui pourra s’appuyer sur son image de porte-étendard de l’industrie automobile française. Cette vallée de l’automobile aura aussi pour objectif d’améliorer la capacité hôtelière autour du tracé, point faible historique de Magny-Cours.

Qui a dit qu’on ne savait pas construire de belles voitures en France ? Exagon tord le cou aux préjugés en sortant la Furtive-eGT, développant 340 chevaux.

Conclusion

La rédaction de Radio Paddock estime que l’organisation d’un GP de France au Paul Ricard est finalement peu probable, et que les récentes tractations constituent surtout des effets d’annonce en vue des élections présidentielles, et relèvent plus d’une spécificité franco-française qui consiste à monter en épingle toute décision (ou plutôt promesse) qui n’engage finalement que le gouvernement qui la fait, mais certainement pas la direction du circuit de Spa-Francorchamps et encore moins Bernie Ecclestone. Le projet « Paul Ricard 2013 » contient trop d’inconvénients et est soumis à trop d’aléas pour être crédible. La faiblesse de la somme rassemblée par le GIP, la situation budgétaire catastrophique des collectivités locales, la nécessité d’entreprendre d’importants travaux de rénovation, ajoutés à cela le mauvais timing dû aux élections présidentielles et la concurrence accrue de Magny-Cours, mieux situé et demandant moins d’investissements, et vous comprendrez que ce dossier parait voué à l’échec.

Un Ricard sinon rien. La F1 reviendra t-elle au Castellet dans un proche avenir ?

Preuve que Magny-Cours conserve toutes ses chances pour remporter « l’appel d’offre » du gouvernement : une délégation nivernaise, composée de Gaëtan Gorce, sénateur de la Nièvre, Jean-Pierre Rossignol, président de la CCI de ce même département, ainsi que de Patrice Joly, Serge Saulnier et Guy Ligier, était la semaine dernière en déplacement à Matignon, alors que le ministre des Sports, David Douillet, devait rencontrer Bernie Ecclestone le 30 Janvier.

Quoi qu’il en soit, le modèle économique de l’alternance entre deux GP francophones représente la meilleure alternative pour espérer revoir un jour la F1 dans l’hexagone. Mais la date du retour du GP de France devrait davantage s’approcher de 2014 que de 2013 (en raison de l’incohérence de dates entre les élections présidentielles/législatives et la publication de la première version du prochain calendrier F1), et devrait plutôt concerner une alternance Spa/Magny-Cours qu’une alternance Spa/Paul Ricard. Bref, laisser assez de temps pour laisser place à maintes rumeurs. Le sport automobile français s’en contente après tout depuis déjà trois ans…





A relire : Répartition des revenus : de la notion d’équité en F1…

2 01 2012

Si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, l’écurie Red Bull, qui a remporté les titres pilotes et constructeurs ces deux dernières années devrait, en toute logique et selon un principe méritocratique, pouvoir se targuer de récolter dans sa besace la plus grande partie des revenus qui échouent aux équipes

Ce n’est pas le cas et c’est une nouvelle fois Ferrari qui, à défaut de collectionner les trophées ces dernières saisons, remporte la palme des plus hautes rémunérations perçues. La faute à un système de répartition abscons.

Quelles sommes sont en jeu ?

En 2010, la F1 a généré environ 1 milliard de dollars de revenus au travers de ses différentes activités. Selon les accords Concorde, qui régissent la redistribution de ces dividendes entre trois organes principaux que sont les équipes (par le biais de la FOTA: Formula One Team Association), la FOM (Formula One Management, gérant entre autres les droits commerciaux de la F1 et dont les actionnaires majoritaires sont Bernie Ecclestone et CVC Capital Partners, un fonds d’investissement), et la FIA (Fédération Internationale de l’Automobile, présidée par Jean Todt depuis fin 2009), les écuries sont sensées toucher pas moins de 50% de ces bénéfices, ce qui représente donc plus ou moins 500 millions de dollars.

Unis. Cette époque d’une FOTA rassemblée autour d’objectifs communs semble bien loin désormais.

Il faut signaler que dans le cadre de la renégociation des accords Concorde pour 2013, cette loi de répartition est au coeur du débat, la plupart des équipes voulant faire passer ce taux de 50 à 75%. La meilleure façon pour Bernie Ecclestone de contrecarrer cette hausse est de diviser les membres de la FOTA entre eux. HRT n’en faisant déjà pas partie, le fait que Red Bull Racing et Ferrari aient quitté l’association début Décembre 2011, bientôt suivies par Sauber (moteur Ferrari oblige) et Toro Rosso (toujours rattachée à Red Bull), affaiblit la position de la FOTA et réduit sa légitimité comme instance de représentation des écuries de F1. En effet, celle-ci ne comprend plus que sept écuries sur douze. Plus qu’un team à convaincre de se retirer et Bernie Ecclestone pourra se féliciter d’avoir une nouvelle fois réussi à diviser pour mieux régner, et surtout conserver un taux de répartition de 50% en faveur des équipes.

Contribution historique, Catégorie B, Groupe 1 et Groupe 2

Ferrari bénéficie d’un traitement de faveur en raison de son implication historique en F1.

La Rossa représente, nolens volens, la marque la plus prestigieuse du sport automobile, et plus particulièrement de la F1. Elle est en effet la seule écurie à être restée fidèle à la discipline depuis sa création en 1950. Son palmarès est en outre éloquent avec une kyrielle de trophées (16 titres constructeurs et 15 titres pilotes). En ce sens, la Scuderia détient un statut de privilégiée, de par la mise en place, lors du mandat de Max Mosley à la tête de la FIA, d’une prime annuelle récompensant la contribution historique de l’équipe. Ladite prime s’élève à 2.5% des revenus distribués aux écuries, ce qui, en reprenant la base de 500 millions de dollars évoquée plus haut, constituerait un pactole de 12.5 millions de dollars. L’instauration de cette disposition fit grand bruit à l’époque, à tel point que la FIA ne tarda pas à être rebaptisée « Ferrari Internationale Automobile ». Mais avec du recul, on ne peut nier que la présence du Cavallino Rampante en F1 soit source d’un plus grand intérêt de la part des spectateurs et fait augmenter les revenus totaux de ce sport, et par la même occasion les revenus distribués à l’ensemble du plateau, d’où une sorte d’Omerta.

Sans le (des)sou(s). On savait que Red Bull gagnait moins, mais de là à ce qu’Horner ne puisse plus se vêtir…

Christian Horner lui-même, directeur de l’équipe Red Bull, concède : ‘Il est préférable que Ferrari soit en F1 que l’inverse. La F1 et Ferrari sont indissociables dans le sens où elles ont grandi ensemble et participé à l’essor de l’une de l’autre. Ferrari a été et est toujours l’écurie la plus impliquée et la source d’une grande partie des revenus en F1. C’est une équipe à part, et de fait il est compréhensible que son statut soit différent.’
Par ailleurs, une prime exceptionnelle de 10 millions de dollars est aussi accordée à deux écuries impétrantes de 2010 : HRT et Marussia (anciennement Virgin Racing). Étant donné que celles-ci disposent des plus petits budgets de la grille, et que leur arrivée en F1 ait été conditionnée par la promesse d’un budget limité à 50 millions de dollars par saison (promesse non-tenue implicitement bien que sensée assurer la cohésion de la FOTA), il semble normal que la législation leur accorde un statut dérogatoire pour aider à leur développement. Plus étonnant en revanche est la non-prise en compte de Caterham (ex-Lotus) en tant que nouvelle équipe, alors qu’elle ne peut pas non plus se vanter d’être la réminiscence du Team Lotus chère à Colin Chapman, suite à l’imbroglio entre Lotus Cars et Lotus Racing.

Le deuxième système de répartition à entrer en jeu est celui récompensant la « Catégorie B ». La Catégorie B regroupe en effet l’ensemble des écuries qui ont décroché au moins un titre en F1, pilotes ou constructeurs. Elle représente une manne de 40 millions de dollars, répartie proportionnellement selon le nombre de titres gagnés dans l’histoire de ces diverses équipes (titres pilotes et constructeurs confondus).

Cheval de Troie. C’est contre tout bon sens que Ferrari s’invite parmi les teams les mieux payés cette année.

Ainsi, Ferrari, McLaren, Williams, Red Bull, Renault et Mercedes sont les seuls teams à pouvoir prétendre à ce « bonus », cumulant en tout et pour tout 77 titres mondiaux. Sur ces 77 couronnes, Ferrari tient le haut du pavé avec 31 satisfecit, soit 40% de l’ensemble des trophées. La Scuderia perçoit donc 16 millions de dollars sur les 40 millions en jeu.

En suivant ce raisonnement, on en conclut que l’écurie la plus titrée de la discipline a reçu en 2011 pas moins de 28.5 millions de dollars avant même le début de la saison et avant même d’avoir fait faire le moindre tour de roues à la F 150° lors des essais hivernaux ! Toujours selon cette règle de la Catégorie B, on peut légitimement penser que les dirigeants de Renault avaient le sourire lorsqu’ils ont appris qu’ils héritaient du droit de porter le nom de Team Lotus la saison prochaine. En effet, des quatre titres cumulés par la firme au Losange en 2005-06, le palmarès de l’équipe passe à treize trophées, ceux du Team Lotus de Chapman (acquis durant les années 60 et 70). En termes financiers, cela signifie que les revenus tirés de la Catégorie B seront multipliés par trois, passant ainsi de 2 millions à 6 millions de dollars.

Avec la notion de Catégorie B, on comprend mieux l’importance de s’accaparer le nom Lotus pour LRGP.

A la suite de ces deux premières répartitions, le reliquat, représentant 427.5 millions de dollars (500 millions – 12.5 millions de contribution historique – 2X10 millions d’aides aux nouvelles équipes – 40 millions issus de la Catégorie B), est divisé en deux parts égales, redistribuées dans deux nouvelles rubriques appelées simplement « Groupe 1 » et « Groupe 2 », soit 213.75 millions de dollars chacune.
Le Groupe 1 répartit équitablement ses 213.75 millions de dollars aux dix premières équipes du classement constructeurs, d’où une prébende de 21.375 millions de dollars pour chacune d’entre elles.
Le Groupe 2 quant à lui rétribue là-aussi les dix meilleures équipes, mais de l’année n-1 et sur la base de leurs classements respectifs. Ainsi, les dividendes de cette seconde rubrique se répartissent de la manière suivante :

1er = 19%, 2e = 16%, 3e = 13%, 4e = 11%, 5e = 10%, 6e = 9%, 7e = 7%, 8e = 6%, 9e = 5%, 10e = 4%.

Cercle vicieux et « reproduction des élites »

In fine, Red Bull est cette fois-ci récompensée de ses efforts et de son statut de championne du monde, en empochant 40.512 millions de dollars, alors que Caterham, 10e du championnat, récolte quant à elle « que » 8.55 millions de dollars.

Pas de doigt, pas de chocolat. Red Bull rattrape une partie de son retard grâce au Groupe 2.

On ne peut cependant passer sous silence le fait que les deux écuries les plus en difficultés financièrement et de surcroit lanternes rouges du championnat, HRT et Marussia, ne touchent absolument aucun retour sur résultats, que ce soit en Groupe 1 ou en Groupe 2. Celles-ci se retrouvent donc dans un cercle vicieux, souffrant d’un manque toujours plus important de capitaux, survivant grâce à des pilotes payants (Narain Karthikeyan chez HRT) ou issus de filières (Daniel Ricciardo, du Red Bull Junior Team, toujours chez HRT), des perfusions financières de Bernie Ecclestone, soucieux de ne pas voir une grille réduite à vingt voitures, ou bien encore des consentements de la FOTA, culpabilisant peut-être d’avoir assuré ces fameux plafonds budgétaires à 50 millions de dollars, finalement non-respectés.
A l’inverse, ces Groupes 1 et 2 favorisent une « reproduction des élites » pour reprendre une expression ayant plus attrait à notre société. Car en cette période de crise économique, plus d’argent gagné c’est plus d’investissements entrepris dans une nouvelle soufflerie, la CFD (Computer Fluids Dynamics : Dynamique des Fluides assistée par Ordinateur), ou bien encore le staff technique, et donc de plus grandes chances de progresser dans la hiérarchie, et donc de toucher des retours sur investissements plus conséquents.

En reprenant l’ensemble de ces clés de répartition, il est facile d’appréhender l’avantage dont jouit Ferrari, qui demeure la championne des revenus. Voici, à titre de comparaison et sans être absolument exact (il s’agit là d’estimations), mais en témoignant néanmoins d’une certaine tendance, le détail des revenus perçus par Red Bull Racing et Ferrari :

Ferrari :

Contribution historique =            $12.5 millions
Catégorie B =                               $16 millions
Groupe 1 =                           $21.375 millions
Groupe 2 =                           $27.787 millions

TOTAL =                           $77.662 millions

Red Bull Racing

Contribution historique =                             $0
Catégorie B =                                 $2 millions
Groupe 1 =                           $21.375 millions
Groupe 2 =                           $40.612 millions

TOTAL =                           $63.987 millions

Tony Fernandes pouvait être satisfait au soir d’Interlagos.

On remarque donc que Ferrari encaisse 15.5% des revenus totaux destinés aux écuries, contre 12.7% à Red Bull. On observe aussi qu’en dépit de la saison désastreuse de Williams, celle-ci capitalise sur son glorieux passé pour être la septième équipe la mieux rémunérée (alors qu’elle s’est classée à la neuvième place du championnat cette année). Caterham n’est pas en reste et touche même le jackpot grâce à sa dixième place au classement constructeurs, l’intégrant ainsi à la fois dans le Groupe 1 et le Groupe 2, et entrainant de fait une rentrée de cash de 29.925 millions de dollars (21.375 millions (Groupe 1) + 8.55 millions (Groupe 2)).
On comprend mieux l’importance de cette 10e place dans le classement constructeurs pour les trois petits Poucet de la F1. Nul doute que Tony Fernandes, directeur de Caterham, fut soulagé après le GP du Brésil…





Interview Mark Webber

17 03 2013

Retour avec Mark Webber sur 2012, ses relations avec Sebastian Vettel et avec l’équipe Red Bull, et sur ses ambitions pour 2013

Quel regard portez-vous sur votre saison ?

Mark Webber fut en lutte pour le titre jusqu'à mi-saison en 2012, décrochant de belles victoires à Monaco et à Silverstone.

Mark Webber fut en lutte pour le titre jusqu’à mi-saison en 2012, décrochant de belles victoires à Monaco et Silverstone.

C’est difficile à dire car certains moments font partie des meilleurs de ma carrière : tout dépend de ce qu’on prend en compte. En termes de classement au championnat ce n’est pas très reluisant, mais si on considère mes qualif’, il s’agit sans doute de ma meilleure saison. Ce n’est bien sûr pas la finalité, mais c’est un premier pas vers le succès. Je me suis donc amélioré dans ce secteur, malgré une baisse de rythme à mi-saison. On a subi trois courses d’affilée avec divers soucis et pénalités. On peut faire une liste complète des pépins rencontrés, mais au final nous n’avons tout simplement pas réalisé une campagne suffisamment solide pour obtenir mieux. Cela dit, on a aussi eu des moments forts.

Comment gérer vous le fait d’évoluer aux côtés de Sebastian, triple champion du monde ?

Seb’ a connu une formidable saison pour décrocher son troisième titre. Il faut lui tirer notre chapeau. Sa domination n’a pas été aussi forte qu’en 2011, ce qui était prévisible au vue de sa première partie de saison. Ce fut très serré en 2010, avec pas moins de cinq pilotes prétendants au titre, alors que cette année cela s’est résumé à un duel entre Seb’ et Fernando.

Est-ce que vous avez été déçu pour Fernando au vue du dénouement de la saison au Brésil ?

Je crois qu’il a réalisé un véritable sans faute cette saison, ce pour quoi il fut très déçu par son résultat final : il a tout donné, et n’a pas été récompensé. Mais il faut passer à autre chose. Est-ce que c’était sa meilleure saison en termes de pilotage ? On peut le dire en effet. Il ne pouvait pas faire beaucoup plus. Mais perdre de trois petits points… Heureusement que je l’ai passé à Silverstone, n’est-ce pas ?!

Comment se passe votre relation avec Sebastian à l’heure actuelle ?

Il y a eu des hauts et des bas, comme dans toute relation. Il y a des jours merveilleux et d’autres où il faut prendre sur soi. Mais nous nous respectons mutuellement. Mon intime conviction est qu’au regard des enjeux, être très proche est impossible. Après le GP d’Inde, les media allemands ont suggéré que nos relations s’étaient tendues : mais la réalité est que nous étions l’un à côté de l’autre dans l’avion de retour. Nous ne sommes pas les meilleurs amis du monde, aucun duo de pilotes ne l’a jamais été d’ailleurs, c’est juste inenvisageable en F1 – où alors il y a un truc qui cloche. Il y a donc toujours cette ambiance assez sèche. Les gens se rapprochent après la bataille. Par exemple, David Coulthard et moi étions de bons coéquipiers, avec du respect porté vers l’autre, mais sans plus. Cependant sitôt que David s’est retiré nous sommes devenus plus proches.

A quel point reconnaissez-vous que le travail des gars de Milton Keynes a porté ses fruits ?

C’est quelque chose auquel vous pensez lorsque la voiture marche bien, pas quand elle est arrêtée… vous y pensez quand vous menez les derniers tours d’un GP, vous prenez conscience des efforts que cela implique d’être à cette place. Être en tête, gagner… c’est quand vous êtes dans le coup que vous prenez la mesure des efforts consentis par tous.
Vous auriez été une petite souris à Monaco cette année, vous auriez été au courant de toutes les petites guéguerres et de la pression dans laquelle les gars travaillent – c’est impressionnant. C’est quand ça vous touche de près et que vous avez du succès que vous prenez réellement conscience du travail abattu par l’équipe. Il faut aussi voir à quelle vitesse l’auto évolue : jadis il y avait, au plus, une version B de la voiture, la FW14B etc… Mais à la fin de 2012, nous en étions à la version D de la RB8 – pareil chez McLaren, où ils ne nomment même plus leur voiture. C’est dire le rythme de développement.

Comment jugez-vous l’évolution de l’équipe depuis l’époque Jaguar ?

Il y a bien plus de moyens financiers, surtout au niveau de l’organisation. Nous disposons de plus d’infrastructures. Adrian est à la baguette, le véritable chef d’orchestre pour toute la partie design et philosophie générale de la voiture, chose la plus importante en définitive. Il s’agit d’une voiture de course et le but est de la rendre la plus rapide possible, sur tous les circuits, que ce soit en qualif’ ou en course. Tout le reste c’est de la poudre aux yeux – et c’est aussi l’avis d’Adrian.

F1 Racing n°168, Février 2013





Interview James Key

5 03 2013

Le nouveau Directeur Technique de Toro Rosso – ex-Sauber et Force India – revient ici sur la difficulté de remplacer l’emblématique Giorgio Ascanelli

Ça fait plaisir de vous revoir arpenter le paddock avec STR. Comment ça s’est décidé ?

James Key peut être satisfait du travail accompli jusqu'ici avec Sauber.

James Key peut être satisfait du travail accompli jusqu’ici avec Toro Rosso.

Ça s’est goupillé à la dernière minute pour être honnête. J’avais déjà une idée en tête et puis l’équipe m’a contacté. Les pourparlers avec les personnes impliquées ont été rondement menés, la volonté de Toro Rosso étant de passer la vitesse supérieure en termes de résultats. Je trouve ce genre de défi encore plus intéressant que d’œuvrer pour une écurie de pointe. Je dois dire que j’ai été impressionné par les infrastructures de Faenza – plus grandes que ce que j’imaginais. Après avoir pesé le pour et le contre et en avoir discuté avec ma femme, je me suis lancé. Il y a beaucoup de pression, mais l’ambiance est positive, ce qui est très stimulant.

Vous débarquez de chez Sauber. Quels parallèles pouvez-vous établir entre les deux teams ?

Ils sont assez similaires. Il s’agit de la troisième équipe pour laquelle je travaille (auparavant, Key a aussi travaillé pour Force India), et je dois dire qu’elles ont chacune leurs petites différences. Mais pour avoir travaillé dans trois pays différents – ce qui est difficile en F1 – il y a évidemment des disparités culturelles. Les problématiques ne sont pas les mêmes chez Toro Rosso que chez Sauber, mais en termes de ressources, notamment humaines et matérielles, mon sentiment est que STR a une petite longueur d’avance. Ils ont un bon niveau au regard de la taille de l’équipe, mais on ne peut pas en dire autant de tous leurs départements, et c’est ce sur quoi nous devons travailler.

Vous vivez en Italie ?

Eh bien, notre soufflerie et notre département aéro étant localisés à Bicester, en Angleterre, je ne passe qu’environ deux tiers de mon temps à Faenza. Je vais partir vivre en Italie, mais ma famille va rester au Royaume-Uni. On est habitué et on apprécie ce mode de vie itinérant, ma famille s’étant déjà installée par le passé en Suisse.

Quand on prend ses fonctions de directeur technique, y-a-t-il d’emblée des domaines dans lesquels on sait qu’on doit agir ?

Oui, on a une sorte de check-list assez théorique, mais qui évolue une fois sur le terrain. Le fait d’arriver en Septembre a été délicat pour moi, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le championnat était déjà bien entamé, on était donc un peu court niveau développement. Ensuite, bien que la conception de la voiture 2013 soit déjà bien avancée, je pouvais encore apporter quelques modifications, mais il fallait faire vite. Enfin, mon emploi du temps était partagé entre les dernières courses de la saison et la visite des usines en Italie. Ce fut donc le rush lors de mon premier mois, et je m’en suis sorti comme je pouvais – en adaptant ma check-list, par exemple. Un autre point important est de faire la connaissance de ses nouveaux collègues et de découvrir la culture de l’équipe, ce qui est crucial, surtout dans une petite entité. C’est quelque chose qui ne peut être appréhendé qu’une fois intégré le team. Ce n’est qu’à ce moment là qu’on peut dire que telle personne est à la bonne place ou non. Mais quand vous entrez en fonction, il y a un certain nombre de connaissances obligées : où en est-on au niveau aéro ? Au niveau simulation ? Pour 2014 ? Quelle approche est privilégiée pour le dessin des suspensions ?

Êtes-vous donc satisfait du travail effectué par le team sur la voiture de 2013 ?

Oui, au niveau mécanique, nous sommes en bien meilleure posture qu’en 2012. Si je serais arrive plus tôt dans l’équipe, j’aurais adopté la même approche. Certes j’aurais aussi abordé certains points d’une autre manière, mais fondamentalement nous nous retrouvons au niveau du design final. Je pense qu’on s’en tire bien jusqu’à présent.

Vous avez dit que l’équipe avait du potentiel. Mais à quel point ?

Il y a certainement une limite : plus vous vous rapprochez de l’excellence, plus il est difficile de progresser. Nous restons une jeune équipe, ce que peu de gens ont à l’esprit. Bien que nous soyons issus de feu l’écurie Minardi, nos infrastructures se sont développées rapidement ces trois dernières années. Il y a beaucoup d’enthousiasme et de bonne volonté, mais il faut que nous soyons davantage soudés afin de fonctionner en véritable équipe et non pas en un assemblage de différents départements. Ce n’est pas une critique, mais un conseil pour une écurie en pleine structuration. Niveau voiture, on est déjà bien mieux qu’en 2012. On a ainsi un certain nombre d’axes de développement à suivre, notamment en termes d’aérodynamique, mais cela prendra un peu de temps.

F1 Racing n°168, Février 2013





Interview Sam Michael

23 02 2013

Sam Michael a tout connu en F1, de ses débuts prometteurs avec Jordan jusqu’à ses déboires avec Williams. Passé directeur sportif de McLaren, il renoue avec le succès

Sam Michael McLaren Martin Whitmarsh

Sam Michael auprès de Martin Whitmarsh et de ses nouveaux collègues de chez McLaren.

Vraiment bien. J’apprécie d’œuvrer pour McLaren et c’est un vrai plaisir que de travailler avec Martin, Ron, Jonathan et tous les ingé. Il y a des gens très compétents parmi les décideurs, des personnes qui peuvent appréhender un large éventail de problèmes et trouver des solutions et des améliorations.
Ces problèmes peuvent être de tout type : sportif, technique, stratégique… Ce n’est pas une sinécure et pour arriver à nos fins, il nous faut une entité compétente. McLaren en est dotée, et j’apprécie d’en faire partie, d’apporter ma pierre à l’édifice.
Il existe aussi un fort sens de l’humour : jamais je n’aurais pensé qu’il y ait une telle ambiance ici. On dit souvent de McLaren que c’est une équipe terne et corporate – en raison de son sérieux et de son identité visuelle liée aux sponsors. Mais nous restons des Hommes avant tout, dotés de sentiments et d’une bonne dose d’autodérision !

Il y a pas mal de gens importants ici, votre rôle dans tout ça ?

Je m’occupe de tester et faire rouler nos voitures partout où nous sommes. Je fais aussi partie de la direction technique supérieure du groupe, où mes prérogatives ont trait à des sujets internes. Pour faire simple, mon but principal est de faire en sorte que nous soyons le meilleur team. C’est l’essence même de mon boulot.

Vous êtes bien établi à présent…

Je ne dirais pas exactement ça, mais avec les gens qui m’entourent je suis vraiment dans le coup. Ça me simplifie la vie et me donne plus de temps pour réfléchir et prendre les décisions appropriées, qu’il s’agisse de marche courante ou de décisions plus stratégiques. Je me sens plus libéré et c’est plus appréciable comme cela.

C’est étrange de vous voir aux couleurs McLaren. Votre période d’adaptation a-t-elle été longue ?

On piétine forcément un peu lors des premières courses, mais on prend le pli très rapidement. C’est plutôt les autres personnes qui doivent se faire à cette idée.

Ça fait quoi de revenir dans un team avec des prétentions avouées de titres ?

Le fait de dire ‘on veut gagner des courses’ ne va pas nous aider. L’important c’est d’avoir les bonnes personnes ainsi que des process techniques parfaitement rôdés – les structures opérationnelles, la fiabilité et les pilotes adéquates. C’est ce qui vous fait gagner des courses et des titres. Ce n’est qu’une fois tous ces éléments en place que vous pouvez prétendre gagner des courses.
Nous ne sommes pas parfaits non plus chez McLaren. On a eu des hauts et des bas cette saison, mais tout est dans la capacité à se relever. Avant d’arriver ici, j’avais déjà été impressionné plusieurs fois par la capacité de McLaren à remonter la pente.
Il leur est arrivé par exemple de faire des erreurs de conception sur leurs voitures. Une équipe lambda se retrouverait hors course pour toute la saison, mais McLaren a cette capacité à se rétablir. Maintenant que j’y travaille, je sais comment ils font. C’est très simple en fait : ils ont la structure et le personnel adaptés, et détiennent une bonne vue d’ensemble.

Vos résultats 2012, en dents de scie, sont-ils seulement imputables aux pneus, où d’autres facteurs rentrent-ils en compte ?

Beaucoup de facteurs rentrent en jeu, comme le resserrement des performances : les qualif’ n’ont ainsi jamais été aussi serrées, la moindre erreur se paye donc cash. Les pneus ont aussi une influence, mais celle-ci est bien maitrisée à présent.

Qu’appréciez-vous dans votre job et qu’est-ce qui vous motive ?

J’aime être force de proposition et trouver des solutions à nos problèmes. Décoincer une situation nous rend plus compétitif et c’est ce pourquoi nous sommes là. J’ai été impliqué dans le sport auto toute ma vie et j’adore la compétition, où vous apprenez autant par la victoire que par la défaite. La pression me stimule aussi : quand il y a des enjeux c’est d’autant plus jouissif de tirer son épingle du jeu.

Rien à voir : pouvez-vous nous en dire plus sur votre Mustang ?

Il s’agit d’une Ford Mustang Fastback GT rouge de 1965, avec boite manuelle quatre rapports. Je l’ai achetée il y a trois ou quatre ans, puis restaurée, surtout les suspensions et le moteur durant mon peu de temps libre. C’est une véritable muscle car : bruyante en ligne droite mais peu à l’aise en virage en raison d’un essieu arrière rigide et de ressorts à lames.
Je l’ai achetée principalement pour dispenser quelques notions moteur à ma fille Toni et mon fils Jacques – si vous ouvrez le capot d’une voiture moderne, c’est malheureusement rempli d’électroniques.  Ma fille était fière quand elle a su m’expliquer ce qu’était un carburateur !

F1 Racing n°166, Décembre 2012





Interview Michael Schumacher

19 11 2012

Ce weekend, Michael Schumacher fera ses seconds adieux à la F1, pour de bon cette fois. L’occasion de revenir sur une interview qu’il avait accordé au magazine F1 Racing il y a maintenant un peu plus de deux mois, alors que l’annonce de sa retraite définitive n’avait pas encore eu lieu, et où il se prêta au jeu de la rubrique « Vous Posez Les Questions », où des lecteurs lambda ont la possibilité de questionner des personnalités de la F1. Cette interview fut sans doute et contre toutes attentes l’une des plus franches et directes qu’il ait pu accorder jusqu’ici. Le pilote allemand pressentait-il que la fin de sa carrière était imminente (Mercedes n’a pas eu la délicatesse de lui annoncer son remplacement par Hamilton pour 2013 avant la publication du communiqué de presse) ? Ou avait-il senti que sa liberté d’expression était moins restreinte du fait que les questions n’étaient pas posées par des journalistes du milieu mais par des fans ? Toujours est-il qu’il en résulta un entretien décalé et sans concessions, et instructive a posteriori de l’annonce de son retrait de la F1.

Sur ces deux dernières décennies de F1, on peut considérer qu’au moins la moitié n’a connu la domination quasi sans partage que d’un seul homme. Et même quand il ne se battait pas pour le titre, celui-ci était toujours considéré comme le pilote à battre. Qu’il s’agisse d’une course déterminante pour le titre ou bien de polémiques faisant les gros titres, tout le monde connait son nom : Michael Schumacher.

Salut l’artiste !

Quelle que soit votre opinion sur cette outrageuse hégémonie, sur les atermoiements de son retour, les chiffres restent étourdissants : 7 titres, 68 pole positions, 91 victoires. Ces statistiques jettent un voile sur tous les autres pilotes de l’histoire de ce sport.
Nous nous sommes donc demandés comment Michael réagirait si on lui remémorait “l’affaire de la Rascasse”, si on évoquait l’hypothèse d’un départ forcé de chez Ferrari, ou bien encore ses souvenirs d’Ayrton Senna. Mais au final il ne semble pas trop embarrassé. Le Michael inflexible, sans pitié des années Ferrari s’est adouci. A présent il est plus détendu et sait apprécier les bons moments – les 300 GP et les 21 années passées à voyager à travers le monde y sont sans doute pour quelque chose.
Sur les quelques 2000 questions que vous nous avez envoyées, traitant des débuts de Michael jusqu’à son passage à Maranello, nous lui avons posé les plus intéressantes, et il est l’heure maintenant d’écouter ses réponses.

Qu’est-ce que vous ressentez lorsque des gamins vous doublent sur la piste ?
Frederik Gasoi, Canada

Ça m’est égal. Lorsque je suis dans l’auto, peu importe l’âge de mes adversaires. Ce que je veux juste c’est passer le gars qui est devant moi – ou à l’inverse rester devant lui. C’est ça le truc.

Avec Sebastian Vettel, lors du GP de Corée cette année. La relève allemande est (bien) assurée…

Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur ce qui s’est passé au bar de l’hôtel du circuit de Suzuka, le ‘Log Cabin’, la nuit suivant votre titre de champion du monde en 2000 ?
Ashley Mason, Royaume-Uni

Vous devez confondre avec mon frère…

Quelle était votre idole lorsque vous étiez petit ?
Caroline Riley-Smith, Royaume-Uni

Au début ce fut Vincenzo Sospiri en karting. Puis Ayrton Senna. Ces deux gars m’ont beaucoup inspiré quand je faisais du kart.

Quel est le facteur à améliorer pour permettre à Mercedes d’être aux avant-postes de façon régulière ?
Pamela Lowth, Royaume-Uni

A l’heure actuelle, il n’y a pas qu’un seul facteur sur lequel agir. Il s’agit plutôt d’une mosaïque où toutes les pièces doivent imbriquées. Nous ne sommes plus loin du compte, mais il faut assembler les derniers éléments.

Vouliez-vous vraiment donner un coup de poing à David Coulthard après votre collision à Spa en 1998 ?
Karel Belohuby, République Tchèque

Euh…je n’ai jamais été bagarreur pour être honnête. En fait, je n’ai jamais frappé personne, mais sur le coup je voulais lui faire prendre conscience de son acte.

Tricycle rouge ! Schumi ne manquera pas de dire sa façon de penser à Coulthard une fois arrivé aux stands.

Quel est le meilleur conseil qu’on vous ait donné et en quoi consistait-il ?
Lee Frary, Royaume-Uni

Réfléchir avant d’agir’. C’est un ami proche, qui a maintenant dans les 80 ans et qui a vécu beaucoup de choses, qui m’avait donné ce conseil. Il est valable dans toutes les situations de la vie – il signifie que quel que soit ce que vous voulez faire, vous devez bien en envisager les conséquences.

Quel est votre meilleur souvenir d’Ayrton Senna ?
Montero Moises, Espagne

Facile. C’est le Brésil en 1994, où je l’ai battu après qu’il ait fait un tête-à-queue quand on se battait pour la tête. D’une certaine manière, le fait qu’il perde le contrôle m’a rendu très fier du fait de son tempérament de vainqueur. Il faut dire qu’on revenait de nulle part aussi – en 1994 notre petite Benetton, munie d’un moteur Ford, n’était pas supposée jouer les premiers rôles, mais c’était en réalité un excellent ensemble, et nous étions capable de ferrailler avec les Williams. Lorsqu’il est sorti, je me suis dit : ‘C’est bon signe’.

Avez-vous déjà été verbalisé sur la route et si oui, quelle a été votre réaction ?
Gary Gillies, Royaume-Uni

Oui je l’ai déjà été. Malheureusement on ne m’a pas fait sauter ma prune…

Quelle qualité appréciez-vous le plus chez un pilote ?
Jacob Cook, Etats-Unis

Peut-être qu’il soit allemand…

L’idée de monter votre propre équipe vous a-t-elle déjà traversée l’esprit ?
Clare Dobson, Royaume-Uni

Non, jamais.

De toute votre carrière de pilote, du karting à la F1, quel a été votre plus féroce adversaire ?
Paul Mariano, Etats-Unis

Le plus féroce ? Vous voulez dire le plus coriace ? Sans hésitations Mika Häkkinen.

Quelle musique écoutez-vous ?
Carina Gusevska, Lettonie

Paolo Nutini.

Avec si peu de points marqués comparé à votre équipier, comment faites-vous pour rester calme ?
Kadir Gunes, Turquie

Je reste calme justement parce que je n’ai pas inscrit beaucoup de points… j’ai subi tant de casses mécaniques qu’honnêtement je ne me soucis par de cela – ça fait partie du jeu. Je fais confiance aux gars dans l’équipe et vis-versa. C’est ce qui m’importe le plus.

Malgré un déficit de points face à Rosberg, notre « vieux » Schumi a cependant pris l’ascendant en qualifications. Dommage qu’il ait été le paratonnerre des problèmes mécaniques de la Mercedes W03 toute la saison.

Je pars visiter Monaco durant mes vacances. Une idée du meilleur endroit où se garer ?
Graham Scott, Royaume-Uni

Eh bien, il y a plein de parkings sous-terrain en Principauté…

F1 Racing : La Rascasse non ?

En contemplant votre carrière F1 jusqu’ici, avez-vous des regrets ?
Charles Russell, Irlande

Oui : Jerez 1997.

Si Ferrari vous faisait une proposition, seriez-vous partant ?
Mark Durepos, Etats-Unis

Pourquoi ?

Devez-vous vous entrainer plus durement et plus longtemps pour rester en forme à présent ?
Don Molyneux, Etats-Unis

Je m’entraine autant qu’avant. J’ai toujours apprécié être affuté, et je l’ai été parfois plus que nécessaire. Les F1 sont plus lentes maintenant et requièrent moins d’efforts, il est donc facile d’être en bonnes conditions pour ces voitures. J’ai adapté mon régime et je recherche toujours de nouvelles choses à faire. Je pourrais vous raconter tout mon petit train-train, mais vous ne pourriez pas tout enregistrer !

Y-a-t-il quelque chose qui vous irrite en F1 aujourd’hui ?
Michael Bobroy, Russia

L’or noir.

F1 Racing : Euh… vous pouvez préciser votre pensée ?

Je vous laisse y réfléchir.

Est-il vrai que quand vous étiez jeune votre père a modifié la pédale de votre kart en mettant un vieux moteur de moto dessus ? Et est-il vrai aussi que quand vous aviez quatre ans, vous vous êtes pris un réverbère avec ?
Rhys Hardstaff, Nouvelle-Zélande

Vous êtes bien informé. C’est comme ça que tout a commencé.

En moyenne, combien de cigares fumez-vous par mois ?
Kaspar Kutt, Estonie

Je ne compte plus…en moyenne un peu moins d’un cigare.

Fatigue ? Perte de concentration ? Freins hors température ? Difficile d’expliquer l’accrochage de Schumi avec JEV cette année à Singapour.

Durant une épreuve, votre esprit est-il concentré à 100% sur la course, ou vous arrive-t-il parfois de vous demander ce que vous allez faire à diner ?
Juha Makarainen, Finlande

Il m’arrive de penser à autre chose. Quand vous dévalez une ligne droite à Monza, vous avez pas mal de temps pour laisser votre esprit vagabonder, sur des détails relatifs à l’auto ou parfois des choses complètement différentes. Ça n’arrive pas en qualif’ ou dans un moment chaud, mais ça peut arriver lorsque vous enchainez les tours.

Est-il moins facile de se remettre de l’ivresse de la victoire quand on est jeune ?
Patricia Hussey, Royaume-Uni

Je ne pense pas que ça ait un lien avec l’âge. C’est simplement liée à vos réussites, et dès que vous accomplissez quelque chose, vous vous reconcentrez de suite sur un autre objectif. Ça peut commencer par une victoire, puis un championnat.

Il m’a semblé qu’en 2006 Ferrari vous avait poussé vers la sortie alors que vous ne vouliez pas réellement vous retirer. Est-ce vrai ?
Don Diklich, Etats-Unis

Non, à 200%. Lors d’une traditionnelle soirée de Noël organisée par Ferrari j’ai dit à Mr di Montezemolo sur la scène que je voulais me retirer et il m’a répondu : ‘Repense-y. Tu peux avoir un contrat à vie ici. Tout ce que tu voudras tu l’auras, nous voulons que tu restes’. Ça peut sembler être une coïncidence mais j’ai eu un tchat pas plus tard qu’hier avec lui et nous entretenons toujours de bonnes relations. Mais j’avais décidé de me retirer et c’est ce que je voulais à l’époque. Comme je l’ai dit, j’étais juste lessivé. Je n’avais plus de ressources et plus rien à prouver, et j’avais mon « petit frère » – comprenez Felipe Massa – j’étais content pour lui qu’il reprenne le flambeau.

Un dernier tour d’honneur. Les cadres de la campagne 2006 quasiment au grand complet. De gauche à droite : Schumi, Todt, Massa et Montezemolo.

Quels seront vos prochains défis dans votre vie ?
David Herron, Royaume-Uni

Je ne pense pas avoir d’autres défis dont je puisse parler.

Etes-vous nostalgique de Maranello ?
Annie Hughes, Royaume-Uni

Je le suis. J’y vais occasionnellement pour voir Rossella, qui dirige le restaurant Montana ; on se parle assez souvent dans la semaine, elle m’appelle, et on a un contact régulier – pas autant qu’avant, mais elle reste dans mon cœur. Stefano Domenicali est aussi un bon ami à moi, et on traine souvent ensemble. Le meilleur plat de Rossella ? Les tagliatelles.

Quelle boisson commanderiez-vous si vous étiez avec Kimi ?
Richard Andrews, Nouvelle-Zélande

De l’Apfelschorle, du jus de pomme avec de l’eau gazeuse.

Combien de temps comptez-vous encore rester en F1, et que voulez-vous faire par la suite ?
Rustam Sagitov, Russie

Eh bien, j’ai bien peur que je ne puisse vous répondre à ce stade de la saison.

Quel a été votre plus beau dépassement en F1 ?
Roger Clarke, Royaume-Uni

A trois de front. La passe d’armes entre Häkkinen et Schumacher à l’approche des Combes reste un modèle du genre.

Il y en a eu tellement… Je ne peux pas m’en rappeler d’un en particulier tout de suite. Il y a bien eu cette passe d’armes dont les gens se souviennent, celle avec Mika Häkkinen lorsqu’il m’a dépassé à Spa en laissant Ricardo Zonta entre nous deux. Mais réfléchissez-y : qu’est-ce que je pouvais faire ? J’avais un retardataire au milieu de la piste et je devais choisir un côté par lequel passer. Mika a bien entendu pris l’autre côté et a profité du surplus de vitesse pour me passer. C’était bien joué de sa part… J’ai vécu la même chose avec Felipe et Kamui à Montréal l’année dernière, lorsque je leur ai fait l’intérieur et que je les ai passés tous les deux en même temps. Les gens pensent que c’est une action géniale, mais en réalité c’est assez facile à faire. Deux gars bataillent et se gênent mutuellement et je suis le troisième larron qui en profite. Ça a de la gueule, mais ça n’a rien d’extraordinaire quand on y pense. Il y a des instants de course beaucoup plus intenses – des moments sur lesquels il faudrait s’attarder davantage de mon point de vue.

Qu’avez-vous ressenti lorsque Jacques Villeneuve vous a fait l’extérieur dans le dernier virage à Estoril en 1996 ?
Steve Bather, Royaume-Uni

C’est uniquement parce que j’avais ralenti pour le gêner que j’ai compromis ma sortie de virage. Il a sauté sur l’occasion pour me faire l’extérieur. Dites-vous bien qu’avec sa voiture il disposait de bien plus d’adhérence pour pouvoir faire ça…

Pourquoi continuez-vous à vous plaindre des pneus – est-ce parce que vous étiez habitué à avoir des enveloppes qui correspondent mieux à votre style pilotage ?
David Greenwell, Royaume-Uni

Je vais faire simple. Si vous avez un manufacturier unique, alors celui-ci se doit de fabriquer un pneu qui convienne à la majorité du plateau. Et c’est ce que j’ai voulu exprimer. A l’heure actuelle, ce n’est pas le cas. Nous avons des gommes qui ne fonctionnent que pour une petite frange de pilotes et non pour la majorité, ce qui ne devrait pas se produire. Ce devrait être l’inverse en fait.

Michael, souffrez-vous toujours du mal des simulateurs ?
Matt James, Royaume-Uni

Je n’en ai pas essayé récemment, je n’en ai pas eu l’occasion.

Si Bernie Ecclestone vous accordait trois vœux : quels seraient-ils ?
Mertol Shanin, Bulgarie

Je ne crois pas que Bernie m’offrira un truc un jour…J’ai une belle famille, je suis heureux, l’argent n’est pas un problème…Rien ne me vient à l’esprit, excepté peut-être qu’on me fournisse plus d’accréditations dans les paddocks.

Lequel de vos sept titres a-t-il eu la meilleure saveur pour vous ?

Définitivement celui que j’ai remporté en 2000. Après 21 années d’insuccès pour Ferrari et de mon côté 5 ans passés à lutter pour le titre avec la Scuderia, c’était un véritable aboutissement pour moi et pour toute l’équipe.

Schumi délivra les tifosi lors du GP du Japon 2000, décrochant (enfin !) le titre après 21 ans d’attente pour la Rossa et à la suite de 5 tentatives infructueuses et une jambe cassée.

F1 Racing n°165, Novembre 2012





Briefing – GP d’Abou Dhabi, Yas Marina

1 11 2012

Les deux zones de DRS compensent les enchainements de virages lents sans fin et les dégagements à perte de vue. Nos deux ingénieurs de chez Williams énoncent ici les particularités du complexe de Yas Marina.

Le circuit de Yas Marina a beau être éblouissant avec son hôtel dernier cri enjambant la piste, celui-ci n’arrive pas à se départir du fait qu’il consiste essentiellement en une succession de virages lents. Mais la course se déroulant au crépuscule, le mercure chute inexorablement durant le GP et lui confère un caractère unique.
De facto, les températures sont plus élevées lors des sessions en plein jour, pendant les FP1 et FP3, que durant la FP2, les qualif’ et la course. Comme vous pouvez l’imaginer, cela a un gros impact sur le comportement des gommes et leur dégradation, et amène les équipes à prendre les infos acquises lors des FP1 et FP3 avec des pincettes afin de ne pas biaiser les réglages de l’auto.
Par le passé, Yas Marina a été pointé du doigt pour produire de véritables processions, mais les deux zones de DRS qui ont fait leur apparition l’an passé (tous dans le secteur 2, chacun détenant sa propre zone de détection) ont aidé à remédier dans une certaine mesure à ce déficit de dépassements.
Si le circuit est l’un des plus sûrs du calendrier, avec une palanquée de zones dégagement en asphalte, la sortie des stands (qui passe sous le T1), est quant à elle curieusement étriquée. Une paire de pilote s’y sont déjà retrouvés en mauvaise posture, et on n’est pas à l’abri d’un accident ici. Sera-ce pour cette année ?

Stratégie de course

Abou Dhabi est un beau complexe, mais en trois année à courir ici les courses n’y ont jamais été épiques. La configuration du circuit, même agrémentée du DRS, joue beaucoup dans ce manque de dépassements. Les chicanes situées à la fin des deux longues lignes droites empêchent vraiment d’y tenter un coup car le pilote défendant sa position prendra toujours soin de se placer sur la meilleure trajectoire pour le virage suivant.
Si un pilote vire large, celui-ci n’est pas très pénalisé du fait des vastes dégagements. Mais en dépit de la difficulté pour dépasser, c’était plus facile en 2011 car il existait un véritable delta de performances entre les pneus tendres et les pneus durs. Les équipes avaient opté pour des stratégies à contretemps pour jouir temporairement d’un ascendant en termes d’adhérence, certaines privilégiant le grip des pneus option pendant que d’autres assuraient le coup avec les prime. Aussi, la stratégie type reposait sur deux arrêts. Faire un seul pitstop était possible, mais obligeait à passer davantage de temps sur des pneus peu performants.
Une sortie de la Safety Car est peu probable en raison des dégagements, mais lorsque celle-ci était sortie en 2010, elle fut déterminante : elle a tout simplement décidé de l’issue du championnat.

Réglages

Comme souvent cette année, la clé à Abou Dhabi sera de régler la voiture pour extraire le maximum des Pirelli.
En analysant les caractéristiques du tracé, on remarque que les vitesses moyennes et de passage sont relativement basses, alors que l’accent est mis sur l’efficacité aéro. Ce circuit est très exigeant au niveau des freins, et il faut composer avec ce paramètre en utilisant des matériaux adaptés ainsi qu’en ajustant la taille des entrées d’air.

Le caractère clinquant du circuit de Yas Marina ne fait pas oublier la pauvreté du tracé.

Bien sûr on règle la voiture pour claquer le meilleur temps, tout en vérifiant que le setup ne compromette pas notre capacité à dépasser. Ainsi, de bons réglages peuvent certes vous permettre de réaliser le meilleur chrono, mais peuvent aussi être très gourmands en gommes, il faut donc avoir une vue sur le long terme.
Ici, une voiture peut très bien être véloce dans le secteur 1 et être à la traine dans le secteur 2 qui est plus tortueux. En somme il faut faire le meilleur temps possible, en dégradant au minimum ses pneus, tout en gardant une bonne capacité à dépasser et à protéger sa position. Réunir ces facteurs n’est peut-être pas la panacée pour les qualif’ et la course, mais sans doute le meilleur compromis pour être performant dans ces deux exercices.

A savoir

  • Le plein et l’absence du DRS mènent à un delta de vitesse entre qualif’ et course pour les virages 3 et 4,
  • Un angle de braquage moindre en qualif’ car l’auto a plus de grip et vire moins large,
  • Forte présence de virages lents,
  • La chicane située à la fin de la longue ligne droite reliant les virages 7 et 8 est un frein aux dépassements,
  • Le mélange de virages lents et de longues lignes droites mène à de nombreux changements de vitesses,
  • Un grand angle de braquage est nécessaire pour les virages 8 à 10,
  • Il faut vraiment taper dans les freins dans le virage 17 en qualif’ car on arrive beaucoup plus vite,
  • En course, le plein modifie peu la vitesse dans les virages serrés, au contraire des portions rapides.

F1 Racing n°165, Novembre 2012